
Jeannie Lucas, Blandine Masure, Samuel Guille
La thématique fait sens à L’ATELIER… Au détour d’une correspondance de Nicolas de Staël, le titre de l’exposition est apparu, évident, sonnant clair : Voir large. Avec lui, on pouvait supposer une certaine forme de contemplation, mais aussi l’attitude de qui regarde la vie, l’art, le temps, sans plisser des yeux devant le vide, sans peur aucune.
Ainsi disposé, l’artiste peut faire de belles rencontres, mais il faut du courage pour épurer. Si le risque est grand, le plaisir ne sera que plus vif de s’être approché de l’essentiel. Dans sa lettre, de Staël répondait à l’invitation de Jean Bauret à qui il montre régulièrement ses toiles et qu’il rejoint à Erquinghem avec sa camionnette remplie de tableaux : « Si vous avez un endroit propice face à la mer du Nord, je ne vois pas d’inconvénient pour essayer d’y voir large ». Sous la lumière du Nord, celle de la plaine de la Valdaine et toutes celles qui révèlent un espace infini, on peut ressentir un sentiment d’éternité, d’universel, d’intemporel, du minimum tendu sous l’évocation d’une forme, d’une ombre, d’une présence forte et simple.
Samuel Guille et Blandine Masure ont répondu à cette invitation avec enthousiasme. Notre rapprochement à tous les trois est heureux…
Jeannie Lucas
Présentation de la série
« T’es un lyrique ! » le film Diva de Jean-Jacques Beineix, réplique de Alba à Jules
J’ai grandi en pleine nature, presque un enfant sauvage. Les paysages ont servi de support à mon imagination et d’illustration des complexes rapports humains qui m’entouraient.
Par la suite, la vie d’étudiant en anglais et plus tard mon installation à Paris furent à l’opposé de ce que j’avais vécu jusqu’alors, j’adoptais naturellement la diversité et le foisonnement parisien ( La Goutte d’Or ).
La photographie est un médium qui me correspond parfaitement, l’observation et le ressenti des ambiances, des choses, éléments et êtres, ont inlassablement occupé ma vie. Ma formation s’appuie, comme sur deux jambes sur la technique et l’imaginaire, la contrainte et la liberté, le réel et le rêve : entre un métier très concret et un tempérament lunaire, une curiosité immense tournée vers l’extérieur, vers ceux et ce qui m’entourent. Cette place me permet souvent de mettre en avant des attitudes ou des sentiments.
La nouvelle série que j’ai appelée portrait de paysage s’inscrit dans une recherche de photographie que je définirais de lyrique car elle utilise le réel comme base à l’imaginaire. Ainsi dit Jean-Michel Maulpoix, un défenseur actuel du lyrisme : sa thématique est directement liée au contenu de l’expérience subjective. Le temps, la mort, l’amour, sont ses motifs de prédilection en ce qu’ils mettent en cause l’intégrité de l’individu et son rapport au monde environnant.
« Voir large », une belle invitation qui correspond à cette recherche : mettre en relation les paysages et les sentiments humains, choisir le détail dans l’immensité, où la vibration et les émotions profondes tendent vers l’universel.
Samuel Guille

“Sous la lumière du Nord, celle de la plaine de la Valdaine et toutes celles qui révèlent un espace infini, on peut ressentir un sentiment d’éternité, d’universel, d’intemporel, du minimum tendu sous l’évocation d’une forme, d’un nombre, d’une présence forte et simple“, tel est l’exergue du catalogue de la très belle exposition qui réunit trois artistes de talent.
Le thème choisi par Jeannie Lucas, l’organisatrice et la propriétaire de la magnifique salle voutée sur les murs de laquelle sont accrochés ses tableaux (huile sur toile) ainsi que les photographies de Samuel Guille, offre à l’imaginaire des possibilités infinies. Une grande table et des étagères reçoivent les céramiques de Blandine Masure, des coupes ouvertes comme pour accueillir la légèreté et le souffle de l’air. Une harmonie céleste existe entre les œuvres de ces trois artistes. L’œil passe d’une œuvre à l’autre avec une impression de continuité dans les tons et cette impression de sérénité, de beauté qui s’en dégagent renforcent le titre de cette exposition, “voir large”.
Avec les tableaux de Jeannie Lucas, le large est soutenu par des toiles que l’on ressent sans limite. Tandis que les photographies de Samuel Guille entrainent à voir vers le large avec une séries de paysages de bords de mer qui ouvrent ainsi sur l’infini. Enfin plane sur l’élégance de l’exposition une impression intérieure de vouloir voir plus large la beauté qui nous entoure.
Le Dauphiné Libéré, mardi 18 juillet 2017